MÉMOIRE DE L’ASSOCIATION DES PRODUCTEURS DE FILMS ET DE TÉLÉVISION DU QUÉBEC

SOMMAIRE

L’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) représente plus de 140 entreprises de production cinématographique et télévisuelle indépendante, soit la majorité des entreprises québécoises produisant pour tous les écrans, en langue française et en langue anglaise.

Le volume global de la production cinématographique et télévisuelle au Canada a observé une légère hausse de 1 % par rapport à l’année précédente avec un volume de presque 5 milliards de dollars pour 2009-2010.

Tout le secteur a été la source, directe et indirecte, de 117 200 emplois équivalents temps plein (ETP) au Canada en 2009-2010, dont 46 100 emplois (ETP) directs en production cinématographique et télévisuelle. Pour la même période, le PIB directement attribuable à la production en cinéma et en télévision s’est chiffré à 2,8 milliards de dollars. À cela s’ajoute environ 4 milliards de dollars pour la contribution secondaire à la production. En tout, la production cinématographique et télévisuelle au Canada a ajouté un peu plus de 6,8 milliards de dollars au PIB du pays en 2009-2010.

En cette période de retour à l’équilibre budgétaire, voici nos priorités :

a)    Priorité #1            Protéger nos acquis

b)    Priorité #2           Continuer de soutenir la coproduction internationale

c)    Priorité #3            Définir un plan triennal d’accroissement économique :

a) Créer un nouveau fonds pour la production et l’utilisation numérique du contenu;

b) Financer la recherche et le développement pour l’industrie de l’audiovisuel qui doit maintenant produire sur toutes les plateformes;

c) Augmenter l’enveloppe budgétaire du Fonds du long métrage du Canada et créer une enveloppe distincte pour le Programme pour le long métrage documentaire;

d) Offrir un incitatif pour les investissements privés dans l’industrie de l’audiovisuel;

e) Actualiser le programme de crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

Introduction

Depuis toujours, l’industrie de l’audiovisuel requiert une stabilité à l’égard de son financement ainsi que des politiques et de la réglementation qui lui permettent de relever les défis auxquels elle fait face. Depuis quelques années, à ces défis s’ajoute celui de la nouvelle économie numérique en même temps que celui de solidifier l’industrie afin de pouvoir recommencer à croître.

L’industrie de l’audiovisuel est une industrie culturelle qui a néanmoins une force économique non négligeable. Le volume global de la production cinématographique et télévisuelle au Canada a observé une légère hausse de 1 % environ, avec un volume de près de 5 milliards de dollars pour 2009-2010[i]1. À l’instar du volume de production canadienne qui a aussi subi une très légère augmentation et représente près de 2,3 milliards de dollars.

Tout le secteur a été la source, directe et indirecte, de 117 200 emplois équivalents temps plein (ETP) au Canada en 2009-2010, soit une légère diminution par rapport à 2008-2009, dont 46 100 emplois (ETP) directs en production cinématographique et télévisuelle. Les emplois créés dans notre industrie font appel à des professionnels, qu’ils soient artistes, techniciens, auteurs ou gestionnaires, hautement qualifiés tant d’un point de vue technique qu’artistique. Le revenu du travail issu de la production cinématographique et télévisuelle au Canada, au cours de la période, s’établissait à 5,1 milliards de dollars.

Voici les priorités de notre industrie afin notamment de répondre à la question du Comité permanent des finances qui interroge la population canadienne sur comment créer des emplois durables et de qualité.

1)    Protéger nos acquis

En 2010[ii], le gouvernement fédéral a noté que les sociétés d’État à vocation culturelle avaient mené des examens stratégiques de leurs dépenses de programmes directes. Ces examens stratégiques servent à déterminer si les programmes produisent les résultats attendus, s’ils sont gérés avec efficacité et s’ils sont bien harmonisés avec les priorités des Canadiens et les responsabilités fédérales. Suite à ces examens, le gouvernement a conclu que ces sociétés d’États n’avaient pas à réaffecter de fonds puisque leurs programmes étaient conformes aux priorités des Canadiens.

La conclusion a été la même dans le budget de 2011, où il est prévu que pour mettre en œuvre la prochaine phase du Plan d’action économique du gouvernement, celui-ci continuera de se concentrer sur l’emploi et la croissance. Dans ce budget, non seulement n’a-t-on par réaffecté les fonds de ces sociétés d’État mais le gouvernement fédéral a rendu permanent le financement du Fonds des médias du Canada (FMC). Nous sommes fiers de cette reconnaissance pour la production télévisuelle sur toutes les plateformes. Les sociétés d’État à vocation culturelle sont sans équivoque des sources d’emplois et de croissance.

Nous soutenons qu’en plus du FMC tous les autres programmes continuent d’être gérés efficacement et qu’ils sont toujours harmonisés avec les priorités des Canadiens et les responsabilités fédérales. Selon nous, le prochain budget du gouvernement fédéral devrait continuer de protéger nos acquis, sans réaffectation de fonds. Ainsi, les emplois existants seraient maintenus et l’industrie du cinéma et de la télévision pourrait demeurer en piste et être prête à participer à la prochaine croissance économique de notre pays.

2)    Continuer de soutenir la coproduction internationale

L’APFTQ est fière de constater les pas significatifs effectués par le gouvernement fédéral au cours de la  dernière année dans le dossier de la coproduction internationale. En premier lieu, soulignons la levée du moratoire qui avait, pendant plusieurs années, suspendu toutes démarches d’actualisation des traités internationaux existants ou de négociation de nouveaux traités. Le gouvernement est maintenant en mesure de le faire et a déjà commencé à négocier avec de nouveaux pays. Il s’ensuivra, nous le souhaitons, une ronde de négociation pour actualiser les traités existants afin que toute la production audiovisuelle y soit admissible, incluant celle dédiée aux plateformes numériques. Ensuite, Patrimoine canadien a lancé le défi aux organismes de gestion des coproductions de procéder à l’allègement de tout le processus administratif entourant la certification de celles-ci. Cet allègement, lorsqu’il sera terminé, favorisera les partenariats avec le Canada. Finalement, Patrimoine canadien a également procédé à une consultation publique sur la coproduction qui a donné l’opportunité aux intervenants de l’industrie d’exprimer leur vision pour l’avenir de la coproduction ainsi que leurs besoins afin de relancer ce modèle d’affaires. Le résultat de cette consultation devrait se traduire bientôt par la mise en œuvre d’une politique canadienne sur la coproduction audiovisuelle régie par des traités et par une gestion allégée et améliorée de la coproduction au Canada.

Tout ceci est essentiel au Canada afin de se positionner à nouveau comme partenaire de premier choix pour la coproduction internationale. À cela, il ne manque que des fonds dédiés permettant de favoriser le financement des parties canadiennes des coproductions. À l’heure actuelle, les coproductions doivent tenter d’obtenir du financement à même les sources existantes pour toutes les productions canadiennes. Annuellement, la majorité des sommes disponibles sont octroyées à des productions entièrement canadiennes, ce avec quoi nous ne pouvons qu’être d’accord. Par contre, si un des objectifs du gouvernement est de relancer le modèle d’affaires de la coproduction, comme le laisse croire les dernières avancées, la création d’un fonds dédié à la coproduction est requise. Selon nous, c’est un fonds annuel de 30M $ qui doit être consacré à la coproduction.

3)    Définir un plan triennal d’accroissement économique

Comme moyen de créer de nouveaux emplois et de stimuler la croissance économique du pays, nous préconisons le développement d’un plan qui se déploierait sur trois ans au bénéfice de l’industrie audiovisuelle. Nous vous en soumettons les grandes lignes et nous sommes disposés à participer à toute consultation, rencontre ou groupe de travail afin d’en élaborer les modalités et la mise en œuvre.

De plus, afin de démystifier ce que sont les investissements faits par les sociétés de production en cinéma et télévision, nous avons joint à l’annexe 1 un survol de leurs activités et de leur modèle d’affaires dont nous vous invitons à prendre connaissance. Vous verrez qu’il faut regarder le modèle d’affaires dans son ensemble, pour comprendre qu’il est difficilement possible pour une société de production d’investir dans son entreprise et dans ses activités en cinéma et en télévision plus qu’elle ne le fait à l’heure actuelle.

La croissance économique de notre industrie devra passer par un support accru du gouvernement et par des incitatifs pour l’investissement privé. Voici les différents volets du plan triennal que nous recommandons :

a)    Création d’un nouveau fonds pour la production et l’utilisation numérique du contenu

Le contenu culturel canadien est manifestement très apprécié par les Canadiens. Afin de produire du contenu culturel d’ici, d’en favoriser l’utilisation numérique tout en rémunérant adéquatement les ayants-droit, nous proposons la création du Fonds canadien du numérique culturel (FCNC). Le FCNC serait institué pour financer le contenu culturel canadien pouvant être exploité numériquement.

Son financement : Nous y voyons deux bailleurs de fonds, le gouvernement et les intermédiaires.

1° Le gouvernement pourrait y contribuer une partie des sommes qui seront récoltées lors des prochaines mises aux enchères du spectre au Canada, notamment celle pour le spectre de 700 MHz qui devrait avoir lieu en 2012. En 2008, la dernière vente aux enchères a rapporté plus de 4 milliards de dollars; on peut imaginer que la ou les prochaines mises aux enchères rapporteront au moins autant. Il pourrait être envisagé un investissement dans le FCNC, pour chacune des mises aux enchères, assez important pour prévoir que seuls les intérêts seraient utilisés annuellement comme source de financement des programmes.

2° Les intermédiaires, soit les fournisseurs de services Internet, d’hébergement, de mobilité, d’outils de repérage ainsi que tout autre fournisseur de services réseau, doivent être tenus de contribuer dans ce fonds un pourcentage de leurs revenus annuels, un peu à l’instar de la contribution des distributeurs de radiodiffusion au Fonds des médias du Canada (FMC) pour la télévision. Ainsi tous les bénéficiaires de l’importante utilisation numérique du contenu culturel canadien par les consommateurs contribueraient à financer sa production et son utilisation.

Ses programmes : Deux volets principaux devraient être prévus, un pour le financement du contenu culturel canadien et un autre pour la rémunération de l’utilisation numérique.

Le premier volet servirait à financer le développement de projets, la production du contenu culturel canadien pouvant être exploité numériquement, sa mise en marché et sa promotion, ainsi que le suivi et l’entretien du contenu numérique. Il pourrait être administré comme les programmes de financement du FMC par exemple, afin de déterminer la qualification du demandeur et du contenu culturel, d’analyser et d’approuver les budgets, et de suivre l’exploitation du contenu produit afin de récupérer les sommes investies, le cas échéant. Il est à noter que plutôt que de créer le FCNC, rien n’empêcherait de modifier la portée, le financement et les programmes existants du FMC pour rencontrer les besoins de ce volet.

Le deuxième volet servirait à rémunérer les ayants-droit pour les utilisations numériques de leurs œuvres. Cette rémunération pourrait être décrétée par le gouvernement ou administrée par la Commission du droit d’auteur afin qu’elle établisse les tarifs applicables à l’utilisation numérique des œuvres, et qu’elle détermine la répartition des redevances parmi les ayants-droits en fonction des sommes qui seraient allouées à ce deuxième volet.

b)    Financer la recherche et le développement dans l’industrie de l’audiovisuel qui doit maintenant produire sur toutes les plateformes

Il existe des sources de financement en recherche et développement pour les technologies de l’information et des communications (TIC), sous forme de crédit d’impôt ou de programmes de financement. À l’heure actuelle, ce financement n’est pas accessible aux sociétés de production en cinéma et en télévision. Or celles-ci doivent découvrir et apprendre les outils des TIC, développer du contenu qui peut se décliner sur toutes les plateformes numériques, et surtout, créer et tester de nouveaux modèles d’affaires. Ce financement doit devenir accessible aux sociétés de production afin de les encourager et de les soutenir dans ce passage au numérique.

Ce qui s’inscrit parfaitement dans les objectifs suivants du gouvernement de « continuer de miser sur des investissements ciblés pour promouvoir et encourager la recherche et le développement dans le secteur privé canadien » et de « chercher à soutenir l’innovation ».[iii]

c)    Augmenter l’enveloppe budgétaire du Fonds du long métrage du Canada et créer une enveloppe distincte pour le Programme pour le long métrage documentaire

Nous considérons qu’une injection additionnelle de 20M$ dans le cinéma au Canada est nécessaire pour favoriser la croissance de cette industrie, soit 15M$ pour une majoration du Fonds du long métrage du Canada (FLMC) et 5M$ pour une majoration du Programme pour le long métrage documentaire de Téléfilm Canada en partenariat avec le Groupe de Fonds Rogers, et ainsi permettre à ce programme de passer du statut d’initiative à celui de programme permanent pour les documentaires destinés aux salles.

Les structures de financement des productions cinématographiques se composent pour plus de la moitié de financement public. Depuis ses débuts, le FLMC a donné à l’industrie canadienne les moyens nécessaires pour produire des longs métrages de qualité. C’est le principal programme fédéral de soutien, et le plus gros bailleur de fonds du cinéma canadien. Depuis quelques années, les fonds ne correspondent plus à ce qui est nécessaire. Depuis 2007, l’initiative de Téléfilm et des Fonds Rogers a confirmé l’intérêt du public canadien pour les documentaires destinés aux salles. Soutenons ce secteur afin qu’il puisse vraiment émerger et se consolider.

d)    Offrir un incitatif pour les investissements privés dans l’industrie de l’audiovisuel

L’industrie de l’audiovisuel nécessite du financement en continuelle croissance afin de répondre à l’augmentation des coûts de main-d’œuvre et de production sans cesse grandissants, de produire sur toutes les plateformes et de faire face à la concurrence mondiale. Nous avons démontré plus haut que la limite de l’investissement par les sociétés de production est à peu près atteinte et nous sommes conscients que les fonds publics sont restreints. Pour continuer d’assurer la production de contenu canadien de grande qualité, pourquoi ne pas revoir les règles entourant les investissements privés. Investir dans l’audiovisuel est un investissement risqué mais il pourrait être assorti d’allègements fiscaux ou autres avantages incitant les investisseurs privés, entreprises ou individus, à favoriser notre industrie et à la considérer comme un secteur privilégié d’investissement à risques plutôt qu’à l’ignorer. Nous demandons donc au gouvernement de se pencher sur cette question.

e)    Actualiser le programme de crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC)

Afin de mieux rencontrer l’objectif principal du CIPC qui est de « stimuler l’essor d’une industrie nationale de production cinématographique ou magnétoscopique viable au Canada »[iv], nous proposons deux mesures :

Prescrire les aides gouvernementales pour le long métrage

Les productions de long métrage continuent d’avoir grandement besoin d’un soutien accru de la part du gouvernement fédéral. Nous vous demandons donc d’assouplir les règles du programme du CIPC pour toutes les productions de long métrage destiné aux salles (fiction ou documentaire) afin qu’elles puissent bénéficier d’un crédit d’impôt plus significatif. Pour ce faire, les aides gouvernementales et non gouvernementales, à l’exception des crédits d’impôt provinciaux, pourraient être prescrites afin de ne plus être des montants réducteurs.  Ainsi, elles ne viendraient plus réduire le coût de production servant à déterminer la valeur de la main-d’œuvre admissible au crédit d’impôt. Nous avons évalué cette mesure à un peu plus de 16 millions de dollars.

Rendre admissibles les dépenses de main-d’œuvre liées à la production du contenu numérique

Le gouvernement fédéral a déclaré son intention de s’assurer que le contenu canadien prenne sa place dans les médias numériques lors des consultations nationales sur la nouvelle économie numérique en 2010. De plus, les règles du Fonds des médias du Canada (FMC) imposent aux producteurs d’offrir du contenu lié aux émissions de télévision sur au moins une autre plateforme de diffusion. Les créateurs et producteurs de contenu audiovisuel sont enchantés de cette opportunité et ont fièrement relevé le défi. Or, il est parfois difficile de financer la production du contenu supplémentaire qui sera diffusé sur les autres plateformes numériques puisque peu de modèles d’affaires sont viables à l’heure actuelle, et la plupart des fonds existants ne sont pas ajustés à cette nouvelle réalité. Il est important que le programme de crédit d’impôt soit modifié afin de rendre admissibles toutes les dépenses de main-d’œuvre nécessaires à la production supplémentaire de contenu numérique. Une mesure qui devrait être peu coûteuse pour le gouvernement canadien et qui permettra de rencontrer l’objectif du gouvernement d’être un leader mondial dans la nouvelle économie numérique.

ANNEXE 1

Investissements des sociétés de production dans l’industrie cinématographique et télévisuelle

Les producteurs que nous représentons croient en leur entreprise et en l’industrie qu’ils défendent passionnément pendant cette période difficile de transition au numérique et de ralentissement économique. C’est l’ensemble des affaires et des activités d’une société donnée qu’il faut regarder pour bien comprendre le modèle d’affaires d’une société de production indépendante[v] en cinéma ou en télévision.

L’investissement de la société de production débute dès l'étape du développement des projets, dont la majorité ne voit jamais le jour.  En effet, selon le genre de production, le taux de morbidité moyen peut varier entre 3 ou 4 projets développés pour 1 produit et 7 ou 8 projets développés pour 1 produit. Peu de financement est disponible au stade du développement, c’est donc la société qui développe les projets auxquels elle croît, qui en finance la majeure partie afin d’amener le projet à un stade aussi avancé que nécessaire pour convaincre les bailleurs de fonds, les radiodiffuseurs ou les distributeurs à investir dans la production de l’œuvre audiovisuelle qui en découlerait. Le développement de projets peut durer plusieurs années avant qu’un seul soit retenu et produit.

Lorsqu’un projet est déclenché, l’investissement de la société de production continue durant l’étape de production jusqu’à ce que les structures financières soient complétées et les sommes à recevoir, encaissées. Les dépassements budgétaires, le cas échéant, sont aussi assumés par la société, tandis que les surplus budgétaires, le cas échéant, sont considérés comme un revenu récupérable par les investisseurs. L’investissement de la société pour une production ne se termine souvent que plus d’une dizaine d’années plus tard au moment où l’exploitation en est terminée.

On peut ajouter dans les investissements de la société de production, toutes les sommes dépensées afin de découvrir et apprivoiser le nouveau créneau des médias numériques pour s’en servir dans le but de produire du contenu numérique, contenu incontournable aujourd’hui lorsqu’on produit en cinéma et télévision, de le diffuser ou d’en faire la promotion. À l’heure actuelle, à peu près aucune source de financement n’est disponible pour la recherche, le développement ou la production de ce contenu, ni pour la diffusion ou la promotion sur les plateformes numériques. Ce passage obligé est à la charge des sociétés de production.

Au cœur de leurs activités, les producteurs doivent développer leur réseau de contacts et maintenir des relations d’affaires avec des partenaires potentiels de production, de diffusion et de distribution, et ce, à différents endroits dans le monde. Généralement, le producteur ira présenter sa production ou son format dans divers festivals ou marchés internationaux s’il entend les exploiter à l’extérieur du pays. Ce sont des outils qui favorisent le rayonnement de la production canadienne. Ces dépenses aussi sont à la charge de la société de production.

Lorsqu’un producteur a l’intention d’avoir recours à la coproduction avec un ou plusieurs partenaires de pays étrangers, une série de dépenses supplémentaires doivent être encourues notamment pour rencontrer des coproducteurs potentiels, pour présenter son projet, créer des structures juridiques complexes souvent nécessaires aux coproductions et développer le contenu avec des partenaires à l’étranger. La plupart de ces dépenses doivent être assumées par la société de production qui veut coproduire.

Finalement, la société de production doit aussi capitaliser son entreprise en assumant d’importants frais d'immobilisation, d’intérêts sur le financement intérimaire lorsque les sources de financement d’une production tardent trop à entrer, d’administration générale (considérant que les frais d’administration qu’on retrouve dans un budget de production couvrent les dépenses directement attribuables à cette production), de gestion de l’exploitation des productions et de ressources humaines afin de maintenir les activités de son entreprise sur une base permanente.

Alors d’où viennent les revenus pour financer tout ça ? À toute fin pratique, la seule source de revenus de la société de production provient des honoraires de production prévus dans le budget d’une production. Malheureusement, ceux-ci sont trop souvent réduits de façon importante sans pour autant que cette réduction n’apparaisse comme un investissement supplémentaire de la part de la société de production. L’étape de production est la seule pour laquelle une société de production peut obtenir du financement lui permettant de produire une œuvre et de gagner des revenus. Ces revenus (honoraires de production) servent en premier à payer toutes les personnes qui ont travaillé en tant que producteur (ex : producteur, producteur exécutif ou producteur associé) pour cette production. Ensuite, ce qui en reste est un revenu imposable pour la société de production qui lui permet d’investir dans toutes les activités en marge de la production. De façon plutôt exceptionnelle, il peut arriver que l’exploitation d’une production rapporte des sommes permettant aux investisseurs de récupérer leur investissement et, dans certains cas, d’en tirer un profit.

Une société de production bien rémunérée c’est un pas vers la stabilité et l’essor de l’industrie, ce qui est favorable à la production diversifiée de grande qualité, à l’embauche de plus de main-d’œuvre et à la prospérité économique.

Avec les années, les sociétés de production ont augmenté leurs investissements de façon plus importante qu’il n’y paraît en réponse à plusieurs facteurs affectant l’industrie : la convergence des grands joueurs, le passage au numérique ainsi que le statisme du financement, pour ne nommer que ceux-là. Leur façon de faire des affaires s’est transformée significativement et continue de se transformer pour s’adapter à tous ces changements. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut regarder le modèle d’affaires dans son ensemble, pour comprendre qu’il est difficilement possible pour une société de production d’investir plus qu’elle ne le fait déjà dans son entreprise et dans ses activités en cinéma et en télévision.


[i]       Données extraites du « Profil 2010 : Rapport économique sur l’industrie de la production de contenu sur écran au Canada » étude publiée en février 2011 et réalisée par Le Groupe Nordicité Ltée pour le Canadian Media Production Association (CMPA), l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) et le ministère du Patrimoine canadien.

[ii]      Page 339 du budget 2010, à l’annexe 2 portant sur la gestion responsable des dépenses

[iii]     Discours du Trône du 3 juin 2011, page 4.

[iv]     Avant-propos des lignes directrices du Programme de CIPC publiées le 31 mars 2010

[v]      C’est-à-dire non liée à une entreprise de radiodiffusion.